Chefchaouen, la célèbre "Perle Bleue" du Maroc, ne possède peut-être pas une réputation historique aussi vaste que Fès ou Marrakech, mais cette cité montagnarde, nichée au cœur des majestueux sommets du Rif, recèle un charme unique et une multitude de secrets murmurés par ses emblématiques portes au bleu vibrant. En déambulant dans sa médina aux teintes azur, vous verrez que ces portes ne sont pas de simples passages ; elles sont des portails vers une histoire et une identité culturelle profondément ancrée.
Une toile de bleu : pourquoi les portes de Chefchaouen arborent-elles cette teinte ?

On ne peut qu'être captivé par la myriade de nuances de bleu qui ornent l'architecture de Chefchaouen, de ses murs et escaliers à ses portes distinctives. Ce n'est pas un choix fait au hasard. Les pigments bleus, allant du cobalt à l'azur ou au saphir intense, sont imprégnés de signification culturelle et historique.
Plusieurs théories expliquent cette couleur dominante. Une croyance populaire veut que le bleu ait été introduit par les réfugiés juifs fuyant l'Inquisition espagnole au XVe siècle, qui peignaient leurs maisons en bleu pour refléter le divin, le ciel et la sérénité spirituelle ; une tradition qu'ils ont apportée de leur héritage Andalou. Selon une autre croyance locale, le bleu serait un répulsif pour les moustiques. Quelle qu'en soit l'origine, la Perle Bleue dégage une profonde sérénité et une harmonie visuelle unique qui définit la ville.
Plus que du bois et de la peinture : l'art des portails de Chefchaouen
Regardez de plus près en vous approchant de chaque porte. Vous remarquerez souvent la présence de heurtoirs, de charnières et de clous en laiton ou en fer, élégamment façonnés et méticuleusement ouvragés. Ces pièces de ferronnerie complexes, souvent patinées par le temps, racontent des histoires d'époques révolues. Elles reflètent une belle fusion d'influences artistiques – andalouses, arabes et berbères – qui ont façonné la ville au fil des siècles. Les motifs eux-mêmes, des simples formes géométriques aux dessins plus élaborés, parlent des familles qui vivaient derrière et du savoir-faire d'antan. C'est comme si les portes elles-mêmes étaient les gardiennes des secrets de la ville et de son histoire.
La construction même des portes, souvent en bois local robuste, tantôt cintrées, tantôt rectangulaires, chacune avec son propre caractère, témoigne des traditions architecturales marocaines. Les carreaux marocains (zellige), qui encadrent souvent les portes ou ornent les murs voisins, ajoutent une touche esthétique typique supplémentaire.

Les "Babs" de Chefchaouen : les portes historiques de l'âme de la Médina
Au-delà des innombrables portes de maisons individuelles, "Chaouen", comme l'appellent affectueusement les habitants, est ceinturée par une série de portes historiques. Connues sous le nom de "Bab" ("porte" en arabe), ces grands portails sont les entrées d'origine de l'ancienne Médina fortifiée. Chaque Bab possède sa propre histoire, son importance stratégique et son caractère distinct, marquant le seuil entre la vie vibrante à l'intérieur des remparts et le monde extérieur.
Si de nombreuses petites entrées et passages existent, plusieurs "Bab" principales ont joué un rôle crucial dans l'histoire de Chefchaouen :
- Bab Al-Ain ("Porte de la source"): Peut-être l'une des plus connues, elle a acquis sa renommée en tant que point de démarcation clé entre la ville historique fortifiée et la ville plus "moderne" établie par les Espagnols au début du 20e siècle. Son nom fait référence à une grande source naturelle ("Ayn") qui coulait autrefois près de cette entrée, une source d'eau vitale pour les habitants de la ville.
Bab Souk ("Porte du marché") : Fidèle à son nom, cette porte donnait un accès direct au souk principal, ce qui en faisait un centre animé de commerce et de vie quotidienne. C'est l'une des entrées les plus anciennes et les plus fréquentées de la ville. Située à l'ouest de la médina, elle est souvent décrite comme la plus grande et la plus imposante des portes de Chefchaouen. Elle doit son nom à la présence historique de deux marchés (souks) autour de cette porte.
Bab Onsar ("Porte des aidants/soutiens") : Située à l'est, cette porte donnait accès à la source Ras El Maa et aux lavoirs traditionnels en plein air, connectant la ville à ses sources d'eau vitales et aux terres agricoles environnantes.
Bab El Hammar ("Porte des âniers") : Située dans le quartier Souika, son nom évoquerait un métier autrefois important dans la région, "El Hammar" désignant les conducteurs d'ânes. Ce secteur servait de point de départ crucial pour le commerce, reliant Chefchaouen aux grandes villes du sud comme Fès et Rabat, et au nord vers Tanger et Tétouan. Bab El Hammar était ainsi un carrefour stratégique pour les rencontres, l'exposition des marchandises et le point de départ des caravanes commerciales. Certains récits historiques suggèrent aussi que cette porte fut utilisée par des soldats marocains alliés aux Espagnols pour leurs opérations militaires.
Bab El Moukaf ("Porte de l'arrêt") : Localisée à l'intérieur de la médina, dans le quartier Kharrazine, "Moukaf" signifie "arrêt" ou "lieu d'attente". Historiquement, cette porte était le lieu de rassemblement des journaliers qui attendaient des offres de travail, notamment dans l'agriculture et la construction. Si cette coutume spécifique a évolué (la place Outa El Hammam jouant parfois aujourd'hui un rôle informel similaire), le nom de la porte conserve ce fragment d'histoire sociale.
Chefchaouen possède d'autres portes nommées, chacune avec sa propre histoire discrète, notamment Bab Noukba, Bab El Harmoun, Bab Sebanine et Bab El Ezaib, qui contribuent toutes à la riche mosaîque de cette cité montagnarde fortifiée. Ces anciennes "Bab" sont plus que de la pierre et du bois ; elles sont des symboles durables de la résilience de Chefchaouen, de son histoire complexe et de son lien profond avec les montagnes du Rif.
Derrière les portes bleues : un monde d'hospitalité marocaine

Ces captivantes portes bleues sont plus que de simples sujets photogéniques ; elles servent de portails accueillants vers le monde de l'hospitalité et de la chaleur marocaines. Franchissez-en une, peut-être lors d'une d'une expérience locale authentique, et vous pourriez découvrir un sanctuaire – un riad traditionnel ou une maison ornée de carreaux de zellige colorés, de plâtres sculptés (gebs), et du parfum enivrant des fleurs d'oranger ou du thé à la menthe. Les cours intérieures (wust ad-dar) sont souvent agrémentées du son apaisant d'une fontaine, offrant un répit paisible aux rues animées de la Médina.
Les portes de Chefchaouen sont le reflet de ses habitants. Elles témoignent fièrement de l'artisanat marocain et de la résilience d'une communauté qui a su préserver son héritage culturel unique à travers les générations. Chaque porte, avec sa nuance de bleu unique, son heurtoir distinct et les histoires contenues dans ses murs, vous invite à faire une pause, à observer et à percer les récits des familles qui habitent cette magnifique cité bleue.
Votre découverte de la "Perle Bleue"
Il est temps pour vous de parcourir les ruelles enchanteresses de Chefchaouen, de vous perdre dans sa mer bleue et de laisser ses portes vous chuchoter leurs secrets anciens. Quelles histoires allez-vous découvrir ?


Prêt(e) à vivre la magie de Chefchaouen par vous-même ?
➡️ Explorez nos expériences à Chefchaouen et dans les montagnes du Rif et laissez-nous vous guider au cœur de la Perle Bleue du Maroc. De repas immersifs en familles locales (communauté Jebala) , à des randonnées pittoresques dans le parc national de Talassemtane, découvrez Chefchaouen au-delà des apparences.